Collection Bruits de Langues

 

L’écriture de recherche […] ne travaille pas à l’écart de l’ordre social dans lequel nous vivons. Au lieu de le contester par le témoignage ou la description, c’est-à-dire par le sujet, elle l’attaque au niveau de la langue. […] La recherche n’a pas de volonté de puissance, elle n’est pas tentée par le pouvoir, tout cela parce que la recherche n’est pas exclusive, et qu’elle n’exige rien, sinon de pouvoir faire face à sa propre nécessité. Et si, pour finir, je réclame quelque chose en son nom, dans une société où tout ne serait pas utilitaire, c’est seulement le droit à l’erreur.

 

Bernard Noël,

Le Sens, la sensure, Talus d’approche, 1996,

repris dans L’Outrage aux mots, P.O.L, 2011.

« L’écriture de recherche » telle que la décrit Bernard Noël ici (à qui cette collection doit beaucoup, dont son nom) vaut aussi bien pour l’écriture littéraire que pour la recherche universitaire. Cette collection vise à faire dialoguer ces deux écritures de recherche, qu’on sépare le plus souvent en « création » et « recherche », dans une démarche qui s’apparente à ce qu’on nomme parfois « recherche-création ».

Bien souvent, et de plus en plus, les auteurs ou autrices sont invité∙es à parler de leur travail dans des rencontres littéraires en festival, en librairie, en bibliothèque. De leur côté les chercheurs et chercheuses en littérature contemporaine analysent, mettent en perspective les oeuvres sans être lu∙es par les auteurs ou autrices.

Depuis un certain temps, des colloques consacrés à la littérature contemporaine font place à la création, dans des espaces souvent éphémères ou confidentiels. Constatant le caractère fructueux de ces échanges, considérant que la lecture d'une oeuvre ne peut que s'enrichir du point de vue de l'auteur ou de l'autrice mais sans prendre le risque d'être restreinte par ce point de vue, l’envie nous est venue de donner une forme éditoriale à ce dialogue entre création et recherche.

 

Le festival « Bruits de langues » (https://www.bruitsdelangues.fr/) était un bon appui, seul festival littéraire régulier et de grande ampleur créé (en 2010) au sein d’une université par des enseignant∙es-chercheur∙ses, avec des rencontres animées par des étudiant∙es et/ou des enseignant∙es-chercheur∙ses, et se prolongeant depuis 2020 par une journée d’études associant auteurs et autrices du festival et universitaires ayant travaillé sur leur oeuvre.

 

Les ouvrages critiques sur des auteur∙rices contemporain∙es accessibles à un large public de non spécialistes sont très rares. D’un point de vue éditorial, l’objectif principal de la collection Bruits de Langues est de combler ce manque, notamment en associant, comme c’est le cas pour ce premier opus, la publication d’un inédit d’un∙e auteur∙rice à celle du recueil de commentaires comprenant un dialogue avec l’écrivain∙e lui∙elle-même.

 

D’une manière générale, il s’agit de répondre à un enjeu important de démocratisation de la culture en ouvrant un espace de réflexion sur des auteurs et autrices dont la reconnaissance critique est très récente et sur des oeuvres par conséquent encore vierges de commentaires ou très peu commentées. Cela implique aussi qu’on y crée une forme mêlant les voix des critiques (universitaires, journalistes, autrice...) et s’adressant à tout∙e lecteur ou lectrice (étudiant∙es, professeur∙es, curieux∙ses, flâneur∙ses : toute personne désireuse de prolonger sa découverte enthousiaste d’une oeuvre et de partager les lectures qu’en font d’autres).

D’où également notre volonté de proposer, pour cette collection, des livres au prix d’un livre de poche.