Série "Tout un Peuple" 

 

Vivre au banc

juillet

 

Patrice Luchet

 

Publié en avril 2022

 

C’est l’été. Plusieurs filles et garçons manquent à l’appel : il y a ceux qui sont partis vers des destinations exotiques ou dans la famille et puis les autres, ceux qui restent.

Sous la chaleur écrasante de juillet, ceux qui restent se retrouvent autour d’un banc du quartier et imaginent chaque jour de nouveaux jeux. Livrés à eux-mêmes et à l’ennui qui les guette, sans perspective de changer d’horizon, ils rivalisent pourtant d’imagination et de créativité pour réinventer chaque journée. 

L’un d’eux improvise un chant puis une marche pour l’accompagner. Une sorte de haka prend forme, d’abord hésitant puis scandé avec détermination, que les autres reprennent bientôt en chœur. Un hymne spontané pour consacrer le peuple qu’ils forment et affirmer haut et fort, face au soleil, ce qu’ils sont et ce qui les lie.

 

 

EXTRAIT

 

« et là Vasil

Vasil si bavard aujourd’hui

rigole

et articule

et respire fort

et rigole

et articule 

de moins en moins bien

et rigole

et sa respiration

saccadée

hachée

s’étiole

symphonie en perdition

et dans un éclat

Vasil

sourire

ciel et terre

explose

car sur la camionnette

il y a écrit

sale

sur la vitre arrière

dans la poussière

quelqu’un avec son doigt

a tracé

le mot sale

à même la poussière

nettoyant

ainsi un peu

la vitre

une écriture dans du sale

un tag qui nettoie

et Vasil rigole

rigole

et personne ne sait

s’il rigole

car le mot sale

est écrit sur un véhicule

sale

ou si c’est 

d’avoir nettoyé

pour écrire

et donc de rendre propre

soit disant

en dégradant

qui le fait rire

Vasil rit

rigole

s’épand s’étend

s’enivre de tout ce bonheur

qui a pour effet

de casser l’ennui

de la journée

cette journée

qui ennuie chacun

(...) »

 

 

 

 

À partir du 7 avril 2022